A Michel Renaud
Aujourd'hui chez Libé, une partie émergée de l'iceberg avec des hommages de carnettistes à Michel Renaud, fondateur des Rendez-vous du carnet de voyage de Clermont-Ferrand, lâchement exécuté lors de l'attentat de Charlie Hebdo. Vous y trouverez mon récit, d'autres hommages et bien sûr des dessins.
M. comme Merci
Eh bien moi, je ne te connaissais pas.
Michel, non, je ne te connaissais pas. Ni au propre, ni au figuré. Ni dans les grandes largeurs ni même entre les lignes. Je n’ai jamais bu de vodka kazhake avec toi, ni partagé d’andouillette-frites au comptoir, ni commenté tard dans la nuit la stratégie géopolitique des anciens régimes communistes. Jamais un fou rire ni une engueulade.
Michel, tu ne me connaissais pas non plus. Tu connaissais peut-être mon travail, peut-être pas. On s’en fout. En tous cas, moi, je m’en fous. Parce que le plus important, c’est que tu es celui qui, grâce aux Rendez-vous de Clermont, m’a permis de commencer à jouer dans la cour des grands. Celui qui m’a récompensée pour mon travail. Celui qui lui a permis d’être vu, d’être lu, d’être exposé, d’être questionné, d’être publié. Celui qui a fait un magnifique cadeau à la petite nouvelle que j’étais, moi qui osais à peine tutoyer des gens dont j'admirais le travail depuis des années, parfois depuis l’enfance, des gens dont le travail m’avait donné envie de faire ce métier. Celui qui m’a donné un jour le même badge que tous ces artistes dont je doutais de faire partie. Celui qui a donné un sens à ces dizaines de carnets que je remplissais depuis des années. Celui qui m’a donné la confiance dont j’avais besoin. Celui qui m’a rendue fière de mon travail pour la première fois.
Celui aussi qui a permis de belles rencontres et qui m’a donné une place dans ce monde des voyageur-euse-s...
Michel, à travers nous tou-te-s, à travers nos démarches et regards multiples d' artistes, d' auteur-e-s, de photographes, de cinéastes, à travers notre travail, c’est également à des milliers d’autres personnes que tu as donné les clefs de portes parfois bien verrouillées. Celles de l’ouverture d’esprit, de la réflexion, de la rencontre, de l’envie, de l’humilité, de la simplicité, de la rencontre, de la critique, de la culture, de l’art, de la curiosité surtout.
Alors aujourd’hui, plus que jamais, il faut aller voir. Il faut continuer à protester, à réagir, à critiquer, à oser, à bousculer, à interroger, à ouvrir, à dire, à témoigner, à rapporter. Il faut continuer à dessiner et à écrire.
C’est grâce à toi que tout a commencé. C’est grâce à toi aussi que tout continue.
Merci...
© Rémy Schaepman