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les carnets de violette
10 décembre 2011

Un texte un peu retroactif, mais que j ai pris le

Un texte un peu retroactif, mais que j ai pris le temps d ecrire seulement ces derniers jours. Bon atterissage ! Je suis réveillée par une vibration un peu plus forte que les autres. Je ne sais pas combien de temps j'ai dormi mais une annonce crachotante me fait savoir que nous atterirons bientôt. Par le hublot serpentent des rivières qui étincellent au milieu d'une campagne verdoyante, parsemée de rares villages auxquels mènent des chemins de terre rouge. L'avion amorce un long virage au-dessus de montagnes ocre dont quelques maisons blanches dégringolent en désordre. Nous amorçons la descente et les formes se précisent, la brume de chaleur se dissipe un peu et le maillage de maisons se fait plus dense, les détails plus nets. Brusquement, apparaissent des quartiers entiers : un amas de maison noyées dans un entrelacs de ruelles sombres, cubes de ciment blancs et bleus et gris aux toits plats sur lequels sèche du linge multicolore. Un arbre solitaire et déplumé posté en haut d'un bidonville côtoie une petit temple éclatant de blancheur. Une grande artère tranche la ville dans le vif, encombrée de camions rouges surchargés, de rickshaws noirs et jaunes hélés par des femmes en sari, de bus rouillés et de scooters étincelants. La foule les évite avec habitude, se presse en tous sans vers des occupations connue d'elle seule et fourmille sous mes pieds. Des abris sommaires couverts de bâches bleues déchiquetées et de cailloux voisinent avec des tours de verre brillant. Quelques vaches nonchalantes créent des embouteillages dont elles n'ont que faire. Les murs des immeubles sont noircis par la mousson et le temps, des lessives familiales sèchent aux grilles de fenêtres donnant dans de minuscules cuisines carrelées. Les cocotiers leur font ombrage et jouent avec un vent chargé de poussière. L'air vibre dans la chaleur de l'après-midi mais ce n'est pas un mirge et je bois des yeux cette ville de 16 millions d'habitants, ce pays qui s'offre à moi sans pudeur aucune : tel que je l'attends, l'espère, le rêve et le crains depuis longtemps. Tou-toum, tou-toum, atterissage. A ma sortie de l'avion, je suis cueillie sur le tarmac par une vague sèche et brûlante : welcome to Mumbai. L'aéroport est étrangement désert et calme. Le temps de récupérer mon sac à dos, d'échanger mes chaussures contre des sandales, de troquer des euros contre mes premières roupies et de demander un pre-paid cab (taxi prépayé), me voilà partie chez Nandita, une indienne qui m'accueille chez elle en couchsurfing. Je m'engouffre à l'arrière du taxi noir et jaune, esquisse un sourire à la moustache du chauffeur et me cale dans la banquette avec un soupi d'aise. J'ouvre la fenêtre et me plonge avec béatitude dans le bain du voyage. Mes doutes d'avant le départ sont balayés en une seconde : comment ai-je pu douter un seul instant que j'avais raison de repartir, que j'en avais besoin, que c'était un équilibre qui m'est devenu essentiel ? Je dévore de tous mes sens un univers qui me semble déjà familier et qui me happe instantanément. Je me retrouve en un flash dans tous ces endroits que j'ai déjà vécus et aimés : Phnom Penh, Bamako, Istanbul. L'Afrique et l'Asie se mêlent ici en un merveilleux capharnaüm. Tant de voyages m'ont déjà pétrie et façonnée et continuent de le faire ! J'ai le sentiment presque immédiat d'être de retour chez moi, d'être à ma place dans ce gigantesque embouteillage dont tente de s'extirper mon tacot. Je me remplis à fond de fumée, de klaxons, d'odeur d'égoûts à ciel ouvert. Je détaille cet univers avec le goût de la découverte mais le confort de la familiarité - ce n'était pas ici, qu'importe ! C'était déjà Ailleurs. J'ai l'impression que je suis enfin dans le pays que je cherchais, celui qui rassemble tous mes autres voyages, mes envies, mes bonheurs, mes questions, mes doutes, mes certitudes, mes malaises, mes amours. Je le découvre au travers de ce prisme et je m'y sens en ces toutes premières minutes comme une épice dans un masala dosa : étonnament bien. Le chauffeur de taxi roule à gauche, à la britannique, et garde une main sur le klaxon tandis que l'autre tricote les vitesses. La lumière est dorée et envahie d'une poussière qui recouvre tout. Des motos se faufilent à grand renfort de klaxon entre les véhicules qui se pressent les uns contre les autres dans une parfaite anarchie, la loi du plus fort semblant être de mise. Quelques piétons tentent de traverser dans cette cohue et des femmes en impeccables saris flamboyants pressent le pas à l'approche des camions croulant sous les décorations et qui semblent rechigner à ralentir. A l'arrière est peint "Horn OK please" : tout le monde s'exécute de bonne grâce, des 4x4 flambants neufs aux rickshaws décatis conduits par des hommes pieds nus. Les bus sans vitres sont emplis d'écoliers en uniforme, de femmes en sari ou kurta et d'hommes en chemise claire qui crachent leur paan par la fenêtre à intervalles réguliers : gare à celui qui se trouve dessous ! La palette des couleurs de peau est incroyablement variée, allant du caramel au beurre au chocolat noir avec 90% de cacao. Un bus à impériale passe en sens inverse, noyé dans un flot de rickshaws qui l'escortent tels des poissons pilotes turbulents et déchaînés. Le long de la route s'alignent cahutes de tôle, bidonvilles, petits immeubles sales, panneaux d'affichage géants vantant la dernière production bolywoodienne ou un téléphone portable dernier cri, guirlandes lumineuses, baraques de planches vermoulues, temples en construction soutenus par des étais de bambou, nuées de fils électriques entremêlés. Les rez-de-chaussée sont occupés par des échoppes minuscules : coiffeur, épicerie, tailleur pour dames, vendeur de matériaux, aux murs lustrés d'une crasse sous laquelle on aperçoit parfois un bleu ou un vert qui doit dater de l'époque coloniale. Les slogans sont peints en hindi sur les murs. La foule s'arrête, passe, repasse, tourne, discute, hèle, traverse, court, disparaît. Sous la voie rapide aérienne, des petites filles en robe de princesse en lambeaux errent dans les ordures. Ca sent le plastique brûlé, la friture, les égoûts, la pourriture et les épices. L'air saturé emmêle mes cheveux sales de vingt quatre heures de voyage et mon pantalon me colle à la peau mais je m'en fous éperduement. Ma mémoire enregistre sans répit, j'absorbe, je bois à longs traits et jusqu'à l'ivresse cette Inde que j'ai enfin le courage d'affronter. Les bâtiments s'espacent au fur et à mesure que nous pénétrons dans les banlieues et surgissent au milieu d'étendues arides d'énormes barres d'immeubles collées les unes aux autres, constructions de ciment gris sale aux traînées noires suintant des ouvertures avec toujours ces fenêtres grillagées surchargées de vêtements aux couleurs qui semblent sortir d'une pub pour la lessive et qui sèchent dans les gaz d'échappement. Nous doublons un train tressautant aux portes grandes ouvertes et aux wagons bondés. Le " ladies only " est un flou mélange de couleurs vives, de bracelets clinquants, de visages entraperçus à travers les barreaux des fenêtres, de femmes vendant des légumes dans de grands paniers, d'autres assises sur le sol attendant de rentrer chez elles préparer dhal et chapatis. Au dessus de la locomotive, baissés sur le toit, une grappe d'enfants brave la vitesse. Omniprésentes, des corneilles croassent et parainnent tout cet univers de leur présence à la fois sinistre et incongrue pour un occidental qui les imagine plus à leur place dans un champ hivernal que dans une ville tropicale. Le taxi continuer de filer, la circulation se raréfie. Un cortège funéraire longe nonchalamment la route : on a allongé une jeune femme aux yeux clos sur un brancard et seule sa tête, soigneusement coiffée, émerge d'un amas de fleurs jaunes, blanches et oranges. Quelques personnes suivent les hommes qui l'emmènent je ne sais où, évitant bus pressés et scooters indifférents. Welcome to India...
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Commentaires
V
Merci les amis...<br /> <br /> Mathias, carrement, moi je serai dans le Tamil Nadu en janvier, vers Auroville... On se tient au jus !!!
D
Namaste <br /> <br /> Wow!<br /> <br /> Ta description de l'arrivée à Bombay m'a vraiment touché, tes mots sont poignants et je me suis souvenu d'un coup des odeurs, des vêtements et des gestes et des bruits de la rue. J'ai revécu par la même occasion ma première arrivée en Inde et plus tard ma première rencontre avec Mumbai...Outre ton style et tes mots, vraiment riches, on sent une voyageuse sensible et attentive au moindre détail, à la moindre sensation . C'est un régal. Sincèrement!!<br /> <br /> Voilà je suis tombé sur ton blog.J'ai pas pu dé-scotcher!!<br /> <br /> Profite bien et peut-être à bientôt en Inde -je pars pour ma part y travailler en janvier et voyager une dizaine de jours. Pas encore d'itinéraire précis mais si on est pas loin je ne manquerai pas de te faire signe !!!<br /> <br /> Sur ce, continue bien à voyager et à nous faire rêver<br /> Tcho!<br /> Mathias
C
Dom' a raison, Babou idem... Tu nous fais plaaaaaaaner Vio*viO :)
D
Vraiment, super progrès ... c'est très bon ! <br /> <br /> Tu as raison de continuer à creuser l'écrit.<br /> <br /> Je viens de savourer la lecture en direct sur le site de Libé voyages du texte "partir revenir" qui annonce que tu pars en Inde et que tu leur fera passer des textes et dessins.<br /> Bientôt tu n'auras plus besoin de te casser à nous faire parvenir des nouvelles par le blog... on ira directement les lire dans les journaux!!<br /> <br /> Fais nous (si tu trouves le temps et l'inspiration) quelques scenes planantes de paysage et de temple, (s'il te plait Vio, oh s'il te plait Vio (comme dirait Maya))
D
Nom d'une vache sacrée ! Quel travelling ! Tu as vraiment l'art de faire ressentir tes émotions et c'est époustouflant, passionnant, impressionnant. Tes cinq pages quotidiennes (mazette, te voilà qui tutoies les grands, Hemingway et consorts), sont un superbe partage visuel, coloré, sonore et olfactif !Rien n'y manque et surtout pas toi, juste à ta place à double titre : chez toi, et à l'arrière-plan, laissant toute sa place à tes lecteurs. Total classe !<br /> Very, very proud I am. Molt petons.
les carnets de violette
  • Observer, dessiner, écrire, voyager : voilà ce qui anime Violette Gentilleau, artiste polyvalente, curieuse et passionnée diplômée des Arts Décos. Visitez également son site violettegentilleau.com pour visionner plus de projets !
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