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les carnets de violette
7 décembre 2011

L envers du decor

La plage est longue et plutôt belle. Le sable fin est bordé de cocotiers et de bars de plage l'ambiance lounge qui diffusent de la musique d'ambiance. Les gens vont et viennent dans un défilé nonchalant,détendu et souriant. Ils sont vêtus de maillots de bain flashy, de robes à fleurs décolletées, la plupart des garçons sont torse nu et les filles sont en minijupe. Beaucoup arborent  sarouels qui claquent au vent, fringues originales et colorées : le style est décontracté, mais avec une certaine recherche. Beaucoup ont un look hippie contemporain, mais il y a aussi des personnes agées vêtues de couleurs claires, des filles en jupe de cuir, des garçons en bermuda, des vieux routards en dhoti et de jeunes voyageurs à la barbe en broussaille. Tatouages, piercings et bijoux sont de rigueur, ainsi qu'une coupe de cheveux allant des dreads locks à la crête (avec une nette préférence pour les dreadlocks).  Le sourire est présent sur toutes les lèvres, de 7 mois à 77 ans.


Sur une longue file sont alignés au sol des stands de bijoux artisanaux : c'est le secteur des latinos qui se hèlent avec chaleur, marchandent le prix de leur travail auprès des touristes russes et remballent sur le coup des six heures une fois la nuit tombée. Un peu plus loin, un groupe qui fait face au soleil couchant exécute avec grâce et ensemble des mouvements de taï chi. Ca et là, un musicien assis en tailleur fait profiter la plage de ses mélodies souvent teintées de transe et de mysticisme. Sitar, tabla, flute et hangdrum sont de sortie malgré le sable. Quelques personnes font leur yoga du soir et s'étirent dans tous les sens, d'autres méditent sagement en position du lotus face aux vagues. Il y a beaucoup d'enfants qui courent partout tous nus et encore plus de très jeunes bébés que leurs parents portent dans leurs bras. Pas mal de femmes enceintes aussi à l'air épanoui, qui promènent par devant elles un ventre rebondi avec fierté.


Une assemblée se forme lentement autour de musiciens installés sur des transats : c'est l'heure du sunset, moment rassembleur de la journée où tout le monde vient ici danser, chanter, boire des bières et communier sur la plage au son des instruments présents ce soir là. On y retrouve beaucoup de djembés, pour la plupart achetés sur place et maniés par des débutants malhabiles, mais aussi quelques vrais bons joueurs de de percussion, guitare, flûtes diverses, accordéon. Les retrouvailles entre amis se font dans de grandes accolades fraternelles dans lesquelles les gens se prennent béatement dans les bras, les présentations aussi : on ne se contente pas d'une bise ou d'un salut, ici on échange les énergies, man ! La musique se fait de plus en plus forte au fur et à mesure que la nuit tombe et le groupe des danseurs s'étoffe,entouré d'une foule bienveillante qui les observe en sirotant une Tuborg. De la jeune russe rosie de coups de soleil à la vieille transeuse anglaise aux cheveux roses, tout le monde s'en donne à coeur joie et bondit dans le sens qui lui plaît sans se soucier du qu'en dira-ton : cette notion n'a pas cours ici.


 En retournant vers Main Road, c'est la cohue de scooters conduits par des jeunes pieds nus, dreads locks au vent, avec en passagère une jolie israélienne en haut de maillot de bain et paréo. Les habitués circulent eux en Royal Enfield, motos pétaradantes qu'il mènent avec morgue dans les ruelles. Les dizaines d'échoppes de vêtements et de bijoux sont collées les unes aux autres et on y retrouve à peu près toute la garde robe aperçue sur la plage. Les bars sont bien remplis, décorés avec goût et peints de frais. On y recoit des flys pour des ateliers à prix libre à la Woodstock International Community School. On aperçoit un concert de musique new age dans un minuscule restaurant népalais plein comme un oeuf. Les restaurants affichent sur leur carte : steak, lasagne, spaghetti, whisky et leurs murs sont couverts d'affiches en anglais qui proposent des cours de yoga, de reïki, de méditation, de tabla, de cuisine, ou qui proposent des partages de taxi, des locations de maison et des didgeridoos à vendre. L'air sent l'encens, les épices, le parfum et la crème après soleil.

Bienvenue à Goa, côté pile.

Dans le dédale de ruelles au sol poussiéreux et défoncé, on évite les tas d'ordures et les flaques d'eau boueuse. Les maisons sont resserrées et ne laissent qu'un étroit passage pour circuler entre elles le long de murs crasseux,moisis et suintants d'humidité. Les fils électriques forment un embrouillamini à rendre fou un électricien et dansent au dessus des toits dont dépassent de fers à bétons rouillés et des balcons où sèchent des saris. De minuscules épiceries tiennent le coin des pâtés de maison et annoncent leurs services en grandes lettres défraichies peintes sur leurs murs. Dans un feu à la fumée dense et piquante, achèvent de se consumer des sacs plastique et des emballages de tabac à priser. Pas de ramassage des déchets, pas de tri autre que celui du carton, de l'aluminium et du verre (collectés par des communautés parmi les plus pauvres) : le reste, on brûle.


Des chien mangés de puces se prélassent au soleil, vautrés dans la terre rouge, sans se soucier des corneilles qui jacassent incessamment depuis les toits de tuiles noircies ou de béton sale. Un scooter qui doit dater des années soixante finit tranquillement sa vie en se transformant peu à peu en sculpture végétale. Un puits sert de point d'eau pour toutes les maison environnantes : il en sort des dizaines de canalisations en PVC, assemblées avec art et débrouille. La margelle est mangée de mousse, l'eau noire et la terre alentour détrempée. Quelques murs de terre achèvent de fondre mousson après mousson tandis que leur charpente est depuis longtemps pourrie et dissoute dans un sol envahi de mauvaises herbes. Sous un pont de ciment qui s'effrite, un ruisseau puant attenant à un bassin d'eau croupie part vers la mer. Des femmes y lavent le linge sur de grosses pierres, les pieds dans les ordures et le sari remonté aux mollets.


Si on suit des yeux le ruisseau, derrière les murs rongés d'humidité on aperçoit la plage et les premiers parasols fluos sous lesquels les touristes se font dorer, cocktail à la main.

Bienvenue à Goa, côté face.

 

(Merci a Flo pour le pret d ordi avec accents !)

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Commentaires
C
Aaaaaaah très beau texte Vio*viO, merci pour ton point de vue aiguisé... J'ai hâte que tu me re-décrives ce pile ou face avec quelques gros mots en prime, huhu ;) <br /> <br /> Biiiiiiiiiiiiz
M
Très beau texte, là aussi ça commence fort!<br /> L'opposition est bien mise en valeur même si une part plus importante est consacrée au côté pile. Les personnages y sont décrits avec beaucoup de précision et on sent une ambiance forte où prédominent légèreté et insouciance. Le côté face est presque traité comme un décor puisque la seule présence humaine ce sont les femmes qui lavent leur linge. Mais me voilà partie pour une analyse (:)): il y a beaucoup à dire sur ce premier texte! Et de belles trouvailles comme: "quelques murs de terre achèvent de fondre mousson après mousson". <br /> Et dire que j'ai failli rater ce texte pour n'avoir pas déroulé la page jusqu'en bas après m'être plongée dans les illustrations! C'est la faute à ces pubs qui coupent l'élan! Je ferai attention désormais! Et je file donc sur libe voyage!!!!! Gros bisousss
C
Superbe texte ! Heureusement que toi tu prends la vie à pile ET face (un coup ça passe, un coup ça caaaasse) ! <br /> J'espère que tout se passe intéressemment. Oui, non, ce mot n'existe pas mais il convenait à ma pensée! Je t'envoie pleins de gros bisous, je partage peut etre tes conditions de vie car nous n'avons pas de chauffage et plus d'eau chaude. Back to bolivian style... Encore gros bisous :)
les carnets de violette
  • Observer, dessiner, écrire, voyager : voilà ce qui anime Violette Gentilleau, artiste polyvalente, curieuse et passionnée diplômée des Arts Décos. Visitez également son site violettegentilleau.com pour visionner plus de projets !
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