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les carnets de violette
15 mars 2011

Le retour / 2e partie

 

Je suis assise à un bureau en bois, dans la maison d'amis, en pleine campagne gersoise. Le vent s'enroule autour de la maison en rafales courtes et violentes. J' ai dans les oreilles de la musique, une chose qui m'a manqué avec force pendant ce voyage, et dans le ventre du pain, du vin, du fromage - choses qui m'ont également manqué. Tout est d'un calme olympien autour de moi et pour la première fois depuis mon retour, je suis seule... Je sens qu'il est temps d'écrire ce texte, le dernier du voyage.

1er mars : j'avale avec stoïcisme les 36 heures de voyage qui me séparent de chez moi. 7 heures du matin dans le métro parisien, 3°C au compteur, cheveux en bataille et yeux cernés, vêtue d'un sweat marron qui a vécu et d'un pantalon de coton rose, sac poussiéreux au dos, transie de froid et percée de regards qui me prennent pour une SDF, se passe quelque chose que je n'avais pas du tout prévu : je glisse peu à peu vers l'hilarité. Le flottement se poursuit et un rire presque hystérique s'insinue en moi. C'est totalement irréel, surréaliste.

Je regarde tous ces gens vêtus exclusivement de noir, aux visages cadenassés, qui courent dans tous les sens, m'évitent comme on évite un obstacle et je leur crie à voix basse « Vous êtes moches ! Vous êtes laids ! Regardez-vous ! ». Je me sens une fois de plus complètement hors contexte mais avec joie. Je me laisse porter dans les couloirs souterrains sur des tapis roulants encombrés, je joue à la touriste, je souris aux visages que je croise, je chante avec bonheur, mes sacs de sable ont disparu et je me sens rayonnante, forte, belle. Je suis toujours à 20 000 kilomètres de tous ces corps et ces esprits qui me frôlent. En orbite.

J'achète un pain et un fromage que je dévore armée de mon Opinel dans la salle d'attente de la gare Montparnasse. Je suis entourée d'autres voyageurs en partance et cela rend les regards moins lourds que dehors. A chaque retour de voyage c'est la même histoire : on arrive « chez soi » mais on a oublié ces conventions, ces chapes de plomb de la société, ces regards rendus bêtes par la peur qu'on nous injecte en Occident. On arrive en Europe et on est étranger à nouveau. On se fait toiser. Toisées les chaussures de rando boueuses, toisé le pantalon fatigué, toisé le sweat taché, toisé le sac à dos sale - appendices réservé à une frange de la population qu'il n'est pas de bon goût de fréquenter. Et là on ne comprend plus : on ne voulait pas rentrer, on ne voulait pas ressembler aux occidentaux, on voulait s'intégrer, devenir cambodgien ou malien ou turc, et puis soudainement on l'est presque dans les yeux de nos concitoyens. Ce n'est plus si confortable.

Là-bas on était le blanc. Ici on est le marginal.

Ce sentiment je le connais bien : alors je l'ai écouté 2 minutes, et puis je lui ai raconté tous mes autres retours, je lui ai dit que j' avais encore grandi et qu'on n'en finit jamais de grandir d'ailleurs, je lui ai un peu rappelé ce que signifie l'Europe, la France, le journal de 20 heures, tout ça, et que nous on avait choisi de vivre de l'autre côté, loin de cette peur, de ce noir, de ce stress. Puis j'ai pris mon train sereinement, mon sac comme celui d' une reine, et suis retournée à ma vie marginale. Je suis retournée à ma maison colorée comme un marché vietnamien, vivante comme un village laotien à 6 heures du matin, peuplée comme un tuk-tuk aux heures de pointe. Une vie simple et heureuse, remplie d'amis, de soirées au coin du feu, de repas à dix autour de la table. Je me suis coulée à nouveau dans ces habitudes à ma taille, cousues sur mesure par moi-même, je les ai retrouvées avec joie. Une année enthousiasmante m'attend, remplie de projets qui me tiennent à cœur, de belles dynamiques, de rencontres à venir. Le voyage ? Si proche et si loin à la fois ! Il continue de me nourrir et en appelle d'autres, très vite.

 

A suivre...

 

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Commentaires
V
Merci de l'invite copain, ça fait son chemin dans ma petite cabeza :)
G
Merci pour ces images magnifiques, pour ces textes vivants, pour ce voyage partagé que je ressens et qui me fait frissonné quand je te lis, et bon retour au pays!!! Courage!!!<br /> Et bienvenue en Amérique du sud dès que tu le souhaites!!!<br /> <br /> Mat
L
Un grand clin d'oeil ce message, car il fait si fort écho à quelques vécus... Ces sourires, un peu moqueurs - un peu énervés, en débarquant de l'avion et en entendant les raleries parce que le bus se fait attendre quelques minutes; un petit air de supériorité alors que traverse la pensée "s'ils savaient l'autre dimension du temps, la-bà"... L'esprit qui vagabonde vers des seaux d'eau rapportés de la fontaine dans un petit village, alors que coule sans difficulté l'eau de la douche... On se dit qu'on nesse laissera pas rattraper par la vie qui court mais le "noir" que tu cites reprend sa place, quelques semaines-mois (sauf lors de brèves escapades le temps d'un album feuilleté, d'une expérience partagée, d'un souvenir rappelé), en attendant le prochain départ... <br /> <br /> Je poursuis mon voyage sur ton blog, sure d'y découvrir encore de jolies merveilles!! ;-))
S
Tellement vrai tout ça... Et pourtant, comme on se sent bien avec cette distance sur les mondes ! C'est précieux, il faut cultiver ce ressenti et ne pas hésiter à s'y référer souvent.
S
ça fait un moment que je te suis, j'aime beaucoup lire ton blog et m'évader! Merci de nous faire partager tes voyages, tes pensées, ses superbes photos colorées... En lisant cet article, comme je suis d'accord avec toi : les gens à Paris (pas tous heureusement) sont gris, tristes, aigris, argneux, où tout le monde doit rentrer dans la même case ... Au secours!!!! Bon retour à toi et au plaisir de lire tes nouvelles aventures!
les carnets de violette
  • Observer, dessiner, écrire, voyager : voilà ce qui anime Violette Gentilleau, artiste polyvalente, curieuse et passionnée diplômée des Arts Décos. Visitez également son site violettegentilleau.com pour visionner plus de projets !
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